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L’arrivée rapide des différentes technologies numériques dans les années 90 pousse la presse écrite à une rapide transition numérique. Ces changements de supports ont mis du temps à être acceptés par les rédactions d’information. Jusqu’en 2011, les services web et papier étaient séparés physiquement, chacun dans un espace différent. Mais les responsables ont vite compris qu’il était nécessaire de faire travailler les deux services main dans la main, voire n’en faire plus qu’un. Une partie de la presse écrite devient alors numérique. Le changement des pratiques est aussi très marqué par le principe du bimédia. Avant, chaque journaliste avait sa spécialité : le journaliste radio parlait dans un micro, le journaliste de télévision passait devant la caméra et le journaliste de presse écrite écrivait. Avec la révolution du numérique, on impose aux journalistes d’être bimédia (voire trimédia ou quadrimédia), c’est-à-dire de maîtriser à la fois les techniques de la presse écrite, mais aussi celles du web ou de la vidéo par exemple. 

Il y a aussi ces nouveaux médias virtuels, 100% numériques : Brut, Konbini, Melty ou encore Vice. Ils n’ont aucune concrétisation physique, si ce n’est les locaux de leur rédaction et les serveurs qui hébergent le site. Ils sont principalement adressés aux jeunes et nécessitent évidemment moins de moyens. Et c’est probablement le journalisme de demain. Nul besoin d’avoir de publications papiers ou un réseau d’antennes hertziennes coûteuses pour diffuser du contenu. 

 

Mais plus qu’un changement de support, c’est aussi une métamorphose viscérale qui s’est imposée pour les médias. Il y a des nouvelles attentes et de nouveaux usages en rupture avec les offres traditionnelles : tout doit être ludique, contributif, collectif, sans frontières. Le client devient multi-écrans, c’est une consommation à volonté. Il y a aussi un changement radical, c’est l’image, la vidéo. Il y a plusieurs années, l’image était là pour rendre une publication esthétique. La photo s’adaptait au texte, aujourd’hui on coupe le texte pour rentrer l’image ! L’outil phare du journaliste est aujourd’hui son smartphone, plutôt que sa plume. Et évidemment, l’arrivée du web a précipité les choses, car les internautes sont de plus en plus demandeurs de visuel. Certains, même, fournissent des images, ensuite diffusées par les plus grands médias. On veut de l’image, de la vidéo, mais aussi du son, des infographies, des liens. Et pour se faire une place sur le web, certains types d’articles doivent désormais être privilégiés. Dans certaines rédactions où le web est si important, il est même courant qu’on écrive des articles sur des sujets tout droit issus de Google Trends (liste des mots-clés les plus recherchés dans Google). Et ce qui marche aujourd’hui, c’est l’insolite : une robe qu’on ne voit pas de la même couleur, la suppression de la couleur verte des stylos à bille Bic… Ça, ça clique ! Beaucoup plus que les dernières déclarations d'Elisabeth Borne. Désormais 36% des Français ont prioritairement recours aux réseaux sociaux pour s’informer. Il y a dix ans, les réseaux sociaux commençaient à peine à exister, et aujourd’hui 4,5 milliards des 7,9 milliards d’habitants de notre planète sont actifs sur ces plateformes. Ce nombre important d'utilisateurs-consommateurs fait que la publicité se dirige vers ces supports numériques. Pour continuer d’exister, les médias doivent se réinventer et devenir digital first. Les médias ont désormais la préoccupation majeure de savoir sur quels supports les lecteurs consomment.

Le lien social est rompu avec la presse écrite ? 

 

Pour Gilles Vanderpooten, le lien n'est pas rompu avec la presse écrite, et il y a justement beaucoup d’a priori là dessus. “Imaginons qu’avec la sobriété énergétique, que des blacks-outs surviennent, conjugués à une prise de conscience qu’il y ait une infobésité, est-ce que ça nous embarquera pas à nouveau vers une consommation accrue de papier ? Et puis si on compare l’impact du papier versus l’impact d’internet et du stockage des données, il y a une pollution numérique qui est invisible, mais qui est pourtant là . À l'Alliance de la presse qui regroupe plus de 200 médias français, ils travaillent sur ces questions là. Et certains disent que c'est pas si évident que ça en fait. On accuse et on blâme le papier pour la pollution; et pourtant la pollution numérique est tout aussi importante."

 

Nathalie Pignard-Cheynel, est du même avis : “le journal amène une hiérarchie de l’information et un confort de lecture inégalable; et il reste encore le socle financier de la presse. Pour les articles en lignes, je trouve ça étonnant que les contenus web soient essentiellement conçus pour l’ordinateur, sachant que les trois quarts des utilisateurs les lisent sur leur smartphone!”

Le tabloïd norvégien Verdens Gang qui a d'ailleurs compris ce changement, écrit des sujets pensés pour le smartphone. L’un de leurs articles les plus connus : “The Tinder Swindler”, l’arnaqueur de Tinder, a fait un carton international. Cet article relate les méfaits d’un arnaqueur séducteur en alternant des vidéos, des photos et du texte. Cet article se consomme comme une série tout en étant une enquête fouillée !

Jacques Attali est quant à lui plus pessimiste : “le modèle économique de la presse papier deviendra intenable; parce qu’ils n’apporteront plus à temps des informations que chacun aura déjà reçues par d’autres médias. Ensuite ces journaux seront peu à peu totalement privés de publicité, les marques trouvant plus d'intérêt à placer directement leurs annonces sur les réseaux sociaux (mieux ciblés), sur les comptes personnels d'influenceurs (ayant plus d’impact). Ensuite, le coût de la distribution, sous forme de kiosques ou de portage, va devenir prohibitif, comparé au coût, quasi nul de la distribution numérique. Dans certaines rares démocraties, tel que le Japon, la presse papier est assurée de son avenir, pour quelques longues années. Dans les autres démocraties, les quotidiens disparaîtront peu à peu, les plus résilients étant les journaux sportifs et quelques titres locaux. Dans certaines dictatures comme la Chine, les quotidiens continueront un temps à transmettre au public les ordres et les nécessités quotidiennes. Partout, les magazines, quelle que soit leur périodicité, resteront un peu plus durablement lus. A terme, les seuls journaux papier qui survivront un temps seront des titres spécialisés, pour des publics particuliers (des associations pour leurs membres, des Églises pour leurs fidèles…) Ces périodiques seront de plus en plus des brochures, des albums, des publications hybrides, intermédiaires entre le magazine et le livre."

La télévision, un média incontournable et pourtant dépassé ?

 

Pour le responsable de l'innovation de l'information et des médias sociaux chez TF1, la télévision se transforme beaucoup et parce qu'elle sait se transformer, elle continuera d'exister et d'évoluer. “Aujourd’hui, la télévision c'est rarement juste une chaîne en direct où tu vois les informations une fois et c'est terminé. Il y des programmes de replay, il y a des plateformes à la demande, il y a les réseaux sociaux… Tout ça fait partie de la télévision maintenant. Et puis la télévision c'est encore le média qui rassemble le plus de monde. On est dans un monde où il y a la radio, internet, les réseaux sociaux… et pourtant jamais une finale de coupe du monde (2022) n’a fait autant d'audience à la télévision. Donc ça veut bien dire que lors de grands moments, les gens ont envie de se rassembler et de tous regarder la même chose en même temps, et c’est la télévision qui permet ça. Je pense que ça va rester un lieu de grands événements comme par exemple celui du foot et de grands moments d’actualités. C'est sûr que ce n'est plus la même télévision qu'il y a 20, mais comme la radio a changé. Les réseaux sociaux on en reparle dans 20 ans, ils vont beaucoup devoir changer aussi.” 

Pour aller plus loin, Jacques Attali imagine un monde où chaque être humain pourra se fabriquer sa chaîne de radio et de télévision, sur Youtube ou ailleurs, avec des journalistes et artistes de son choix et des publicités personnalisées. Chacun pourra intervenir dans la narration d’une fiction; c’est déjà possible pour certains dessins animés, imaginés par le Craft Technology développé par le Allen Institute for Artificial Intelligence. 

Il imagine aussi un monde où "les nouveaux écrans seront intégrés aux murs des appartements et des bureaux, aux vêtements, aux meubles. Les téléphones et les écrans seront largement remplacés par des lunettes qui permettront de voir les images en réalité virtuelle. On verra se développer des chaînes spécifiques, pour des publics très particuliers, parfois pour des programmes très courts d’explication, sur le modèle de Youtube, Tiktok, NowThis, ou Brut, dont les temps de visualisation augmenteront, et qui deviendront des médias de plus en plus prisés, même par ceux qui recherchent des informations pointues, et qui s’éloigneront des chaînes d'information. Des programmes spécifiques seront aussi fournis à ces nouveaux supports par Netflix, HBO, Amazon Prime, Youtube.”

Youtube, Tiktok, Twitch, Snapchat… Réseaux sociaux, le format vidéo explose​

​Le streaming vidéo, en particulier sur mobile ne cesse d'augmenter en dépit de la télévision. En 2015, l'un des meilleurs journalistes politiques de CNN est allé chez Snapchat qui a décidé d’entrer dans le domaine de l’information. L'application est aujourd’hui le premier social média chez les Américains de 12-24 ans. De nombreux autres usages se développent comme le “binge watching” pour la consommation de séries qui consiste à voir plusieurs épisodes à la suite. 

La consommation de vidéos sur mobile est tellement importante que même les entreprises de presse produisent des vidéos afin de fidéliser ou d’attirer leurs lecteurs sur leurs applications mobiles. Plusieurs médias n’ont pas hésité à délier les cordons de la bourse pour offrir de nouvelles manières de présenter leur contenu (à l’aide de la vidéo) et de joindre leur public. Ce nouvel esthétisme, qui se rapproche des codes du cinéma documentaire, nécessite généralement beaucoup plus de temps de travail pour en arriver à un produit fini. Les patrons des médias  concernés par ces projets ont donc décidé qu’il était pertinent d’accorder plus de temps aux journalistes affectés à ces projets. Cependant, Guillaume Klossa ne crois pas que tous les médias seront exclusivement vidéo : "en vérité, tous les formats continueront à cohabiter”. 

Podcast, radio, voiture autonome… le média nomade de l’avenir ? 

La vidéo est aujourd’hui le format le plus attractif auprès de la jeune génération. Des médias, notamment radio et presse, se sont emparés de ce format pour décliner leurs contenus. Bien que fortement avantageux et source de nouveaux abonnés, le format vidéo est en train de se faire rattraper par l’audio, notamment via les assistants vocaux et l’écoute exponentielle des podcasts. Cette évolution est déjà en cours aux États-Unis où le marché des assistants vocaux est en très forte croissance, tout comme la consommation de podcasts. Tous les éditeurs français rêvent d’avoir leur Daily, ce podcast quotidien d’information lancé par le New York Times en 2017 et qui revendique 4 millions de téléchargements par jour. En France certains médias se démarquent : La Story des Echos et Code Source du Parisien; qui ont le même propos, celui d’approfondir un fait d’actualité en un épisode quotidien de 20 minutes. 

 

Jacques Attali en est persuadé : "la radio a encore un grand avenir devant lui. Il restera encore le premier et principal point de contact avec les informations générales des populations éloignées des grands centres. Les urbains écouteront la radio au bureau, à domicile, en faisant du sport, dans les transports en commun, en marchant, en faisant du vélo ou en voiture. Certaines applications comme Radio Garden permettent déjà d’écouter dans d'excellentes conditions toutes les stations du monde, sous réserve de l’octroi de licences. Il deviendra aussi de plus en plus facile de créer des radios en toute langue. Les revenus des podcasts dépasseront même un jour ceux de la radio proprement dite. Il y aura de plus en plus de stations spécialisées et personnalisées, dans des domaines de plus en plus variés. D’autres médias lanceront des radios. Des applications spécifiques (Audacity, Reaper, Garage Band, Speaker Studio…) permettent déjà de réaliser des émissions et de les mettre en ligne, sous licence, sous forme de podcasts. Des sociétés (Buzzsprout, Transistor et le français Audio Means) proposent aussi un hébergement, une distribution et une monétisation de ces podcasts qui sont aussi diffusés sur des plateformes commerciales classiques, telles que Spotify ou Deezer. On va donc écouter la radio sur d’autres supports, mais on continuera de l’écouter. Il y a un potentiel et un avenir absolument gigantesque pour les podcasts et les radios. Il devrait exister une liaison entre les universités et les radios, qui pourraient commander des podcasts aux universitaires et pas seulement aux journalistes, faire une sorte de gigantesque librairie de podcasts."

 

Guillaume Klossa est aussi du même avis. "Les médias doivent investir dans les podcasts et la voiture autonome. Les 2 sujets sont liés. Je crois au développement d’un véritable marché des podcasts à dimension informationnelle, éducative, culturelle, scientifique et humoristique, dopé par les assistants vocaux qui auront la possibilité d’orienter ceux qui les questionnent vers des contenus audio et vidéo courts à valeur ajoutée. La voiture a vocation à devenir un des lieux privilégiés de consultation de podcasts. C’est dans cette perspective notamment que la BBC a mis en place une équipe dédiée avec l’objectif de faire de l'entreprise un leader mondial de ce type de format. Mais revenons à l’enjeu que constitue la voiture autonome pour l’avenir des médias. Les Européens passent aujourd’hui 2 heures par jour dans leur véhicule. Demain, s’il n’y a plus de conducteur, les utilisateurs auront la possibilité de focaliser leur attention sur tout autre chose que la route, et la totalité du temps de trajet sera disponible pour tout type de loisirs, c’est-à-dire pour regarder et écouter des contenus médias. C’est une vision qui explique que Renault soit entré en 2017 au capital du groupe Challenges; dans l’objectif d’investir le temps utile libéré par les utilisateurs et de développer des contenus à valeur ajoutée adaptés à la voiture autonome. Je partage la vision de Carlos Ghosn, la voiture va devenir un espace protégé, un sanctuaire d'intelligence où le citoyen va pouvoir s’enrichir, se cultiver…"

L'ubérisation des médias

L'ubérisation de la société a complètement changé nos manière de consommer, que ce soit de l'information à la nourriture. Comme le fait Netflix ou Apple pour le cinéma ou Spotify pour la musique, on peut s’abonner à plusieurs journaux papier à la fois : le canadien Pressreader, le suédois Readly, l’américain Magzter, le japonais Nordoc, le français Cafeyn sont des nouvelles plateformes qui permettent d'avoir accès à différentes informations. Pour autant, l’abonnement numérique à ces médias ne sera pas aisé à décrocher devant l’abondance d’informations gratuites, en particulier à la radio, à la télévision, et sur d’innombrables sites ou plateformes, qui produisent des informations et des commentaires gratuits, ou qui volent pour cela le contenu d’autres médias. 

 

Pour aller plus loin, Jacques Attali pense que les 4 médias (radio, télé, presse écrite, téléphone) vont fusionner en 1 seul, et que les médias globaux vont progressivement se fragmenter et que chaque journaliste va créer son journal. Selon lui, "l’application ultime de ces réseaux pourrait ressembler à ce que tente d'être Wechat en chine : une application unique pour conserver, se distraire, être informé, acheter, surveiller ses comptes, payer ses impôts et savoir si on est éligible à des programmes sociaux, voter, suivre des cours, jouer en ligne etc…"

L’hologramme à de l’avenir ?

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PHOTO: AFP

La journaliste Jessica Yellin en conversation holographique avec l'animateur Wolf Blitzer lors de la soirée électorale de CNN.

Il y a ce nouveau monde qui s’approche, c’est celui de l’hologramme. On a déjà un premier aperçu de ce que ce sera avec avec l’expérience des jeux vidéo à 3 dimensions. On voit aussi des hologrammes journalistes, la chaîne de télévision chinoise Xinghua News utilise déjà des animateurs holographiques, copies de présentateurs réels, pour présenter des informations 24 heures sur 24. On peut voir des hologrammes présentateurs, discutant avec des hologrammes d'interlocuteurs qui sont là physiquement, mais qui le seront aussi virtuellement.  

 

"Le journaliste de demain ne sera pas un robot car personne ne croirait à son information”, prévient le responsable de l’innovation chez TF1. “Mais il sera plus conscient de ce qu’attend son public, sera plus en interaction avec lui. Pour informer, il est important de comprendre quelles sont les attentes de ceux qu’on informe", dit-il.

Jacques Attali, lui, nous décrit une technologie qui nous dépassera : “Chacun pourra pénétrer à l’intérieur d'événements, de spectacles, de matchs. Ce sera une succession de mutations qui conduiront à une fusion du réel et du virtuel. On commencera par transmettre des images avec la réalité augmentée, puis avec de la réalité virtuelle, puis avec des hologrammes. Tout cela a déjà commencé, comme toujours, par la distraction et le jeu. Et la difficulté sera pour nous de discerner le vrai du faux, le virtuel du réel. La société londonienne Kino-Mo a déjà développé une technique pour transmettre en 3D une photographie prise sur un téléphone, Aerial Burton, basée à Kawasaki au Japon, a mis au point True 3D Display qui diffuse des hologrammes sans support, à l’aide de lasers au plasma. On peut voir aussi, sur un casque des vidéos en réalité virtuelle qui permettent d’être plongés dans la vie de 3 jeunes réfugiés en Syrie, en Ukraine et au Sud-Soudan. Ou grâce au stitching pour les vidéos à 360° On the Brink of Famine, un documentaire de 10 minutes à propos d’un village du sud-Soudan confronté à une famine de PBS Frontline et du Brown Institute for Media Innovation. On pourra ainsi s’immiscer au milieu d’une guerre, on pourra donner à voir ou même participer à un meurtre. Chacun pourra alors acheter ses rêves, ses délires, ses fantasmes, ses pulsions; se mettre en scène, se donner en spectacle, s’offrir, se vendre; simuler des situations avant de les vivre ou au lieu de les vivre ou de les imposer à d’autres; vivre des millions de vies. Ou de perversions. Il en ira de même avec la transmission de pensée, quand il sera possible de digitaliser des pensées et de les transmettre sans aucun support matériel.  En 2014, des chercheurs de la Harvard Medical School et de l’Université de Barcelone ont, grâce à une technologie de la société française Axilum Robotics, réalisé une première expérience de communication télépathique entre deux humains, en utilisant l’électroencéphalographie (EEG) et la stimulation magnétique transcrânienne (rTMS).On commencera par transmettre des messages d’une personne à une personne, puis on l’utilisera comme instrument de propagande, commerciale, idéologique, religieuse, politique. A l’extrême, un jour peut-être, la transmission de pensée permettra de transférer dans un autre cerveau, dans un hologramme, dans tout autre sorte d’artefact ou dans un clone des souvenirs, des sentiments et même sa propre conscience de soi. Les humains, au moins les plus riches d’entre eux, seront alors potentiellement immortels, puisque leur conscience de soi pourra survivre à la mort de leurs corps. Des logiciels open source, comme DeepFace Lab et Faceswap, permettent, à partir d’une ou plusieurs photos en haute définition, de produire une vidéo d’une personne, faisant dire à quelqu’un le contraire de ce qu’il pense. On développera, on développe déjà, des influenceurs virtuels, inspirés de héros de jeux vidéo, telle Stéphanie de League of Legends, qui a déjà des millions de followers et qui est utilisée en publicité. Et comme la pandémie pousse à la virtualisation du spectacle vivant, cela passera par une accélération de la virtualisation de la culture. On pourra, un jour, transmettre aussi les odeurs et le toucher comme des données. Puis un personnage charismatique virtuel prendra le pouvoir quelque part au nom d’une secte, avec les techniques de manipulation des foules expérimentées sommairement sur les réseaux sociaux. Big Brother sera là." 

3D, réalité augmentée, virtuelle, lunettes…techniques immersives

Pour le responsable de l'innovation et des médias sociaux chez TF1, l'utilisation de la 3D, de la réalité virtuelle, de la réalité augmentée, est une tendance très intéressante parce que ça permet de montrer ce qu’on ne peut pas voir et ça aide les médias à apporter aux téléspectateurs une information éclairée. “Tu veux parler de ce qui se passe sur Mars, tu ne peux pas y aller pour filmer, donc utiliser la 3D ou de la réalité virtuelle, ça permet de prolonger l’expérience de l’utilisateur et d’illustrer l’information. On s'en est beaucoup servi pour montrer les conséquences du réchauffement climatique qui ne sont pas encore là mais qui risque d'arriver. Par exemple TF1 a fait un format en utilisant de la réalité augmentée et de la 3D sur la montée des eaux en Normandie, et donc ça sert à montrer ce qu'on ne peut pas encore voir. “ Les techniques immersives (la réalité augmentée, la réalité virtuelle qui plonge l’utilisateur dans un univers virtuel) permettent donc de créer de nouvelles expériences sensorielles, personnalisées, plus interactives, en même temps qu’elles bouleversent les processus de création et réduisent les frontières entre les métiers. “Les médias seront de plus en plus hybrides, mêlant le son, l’image, la vidéo et le texte”, souligne Jacques Attali. 

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Concept Apple Glass © Martin Hajek

Apple va sortir en 2025 des lunettes de réalité mixte qui fera et réalité virtuelle et réalité augmentée. Pour le responsable de l’innovation chez TF1, “si tout le monde a ces lunettes, il faut se poser dès maintenant les bonnes questions : comment on s'informera avec ça ? Comment est-ce qu'on va consommer l'information dans ces lunettes ? A quel moment de la journée ? Sous quel format ? Exactement comme quand les smartphones sont sortis, il fallait dès le début se poser la question de se dire comment on va s'informer avec ça ? Et plus tôt tu te poses cette question, plus tu peux arriver avec des propositions innovantes d'informations; car il y aura toujours des innovations d'objets, d'usage, qui vont transformer les formats journalistiques. Et il faut vraiment commencer à réfléchir à cette nouvelle technologie parce qu'un géant comme Apple qui prépare des lunettes qu'il veut vendre, en général ce n'est pas pour en vendre 200 paires. Il est possible que beaucoup de monde finisse par en porter régulièrement. La télévision, les réseaux sociaux, ce sera le monde d’avant. Les lunettes, comme le téléphone, vont bouleverser le rapport à l'information. Imaginons, tu te balades dans la rue, tu as des lunettes de réalité augmentée et puis tu passes à côté d'un lieu, et ce lieu est lié à une actualité, par exemple tu passes devant le siège de la CFDT, en ce moment il y a des négociations entre les syndicats pour savoir est-ce qu'ils vont prolonger la grève.. et bien on te mettra un petit message : ici il y a une actualité en cours. 

On pourra aussi ajouter de la réalité virtuelle aux lunettes. Par exemple tu marches places de la bastille à Paris; et on te dit que sur cette place en 1789, il y a eu la révolution française qui a démarré, il y a eu la prise de la bastille, clique ici pour te plonger à l'intérieur de la prison de la bastille. Tu cliques et cette fois on va t'emmener dans un monde parallèle, donc tu ne verras plus la rue autour de toi. Ces nouvelles méthodes ouvriront des possibilités pour les journalistes d'informer sur encore un nouveau support. Donc il y aura toujours la télé, il y aura toujours la radio, il y aura toujours les smartphones; mais il y aura en plus ça les lunettes. Et la question qu'il faut se poser c'est: qu'est ce qu'on met dedans ?"

Le rôle croissant de l'intelligence artificielle

 

Les médias sont également touchés par le développement de l’intelligence artificielle qui contribue à la création de contenu, au-delà des simples articles de journaux. Déjà, les robots-journalistes d’AP “écrivent” au sujet des résultats sportifs ou des informations financières. Les algorithmes de google news génèrent des formats simples et accessibles, tels que des frises chronologiques ou des résumés agrégeant différentes sources. L’intelligence artificielle est aussi un instrument utile pour le travail d’archive, pour le repérage et la mise en perspective des informations, pour la nécrologie d’un artiste mort, pour la préparation d’un documentaire. Thierry Ardisson, présentateur télé, a par exemple créé une émission “Hôtel du temps”, qui interview des célébrités décédées comme Coluche, Dalida, Jean Gabin, à l'aide de la technologie du deepfake. L'émission pose de multiples interrogations éthiques quant au fait de faire parler des morts en recourant à cette technologie d'intelligence artificielle controversée qui permet de truquer les images, en donnant par exemple à des comédiens le visage de personnalités disparues, et de cloner les voix. Comme autre technologie, il y a celle qui permet de créer un avatar, et de lui faire dire ce qu'on veut. Le compte instagram savoirhistorique a d'ors et déjà commencé à utiliser cette technologie pour faire parler Mona Lisa ou Cléopâtre sur leur vie. Philippe Petitpont, fondateur de Newsbridge, a mis au point une technologie qui permet de "détecter, parmi des milliers d’heures de vidéo, les images qui ont le plus d’importance". Il s’agit de choisir très rapidement avant un Journal télévisé, par exemple, les moments clé parmi des dizaines d’heures de vidéos tournées dans des manifestations. 

 

On ne s'en rend pas encore compte mais l'IA va transformer notre manière de créer et certains des outils et des possibilités qu'elle nous offre aujourd'hui vont encore s'améliorer, et cela très fortement. 

La traduction instantanée, une révolution ? 

La traduction instantanée est une innovation technologique qui peut bouleverser l’avenir des médias. Elle donnera à l'utilisateur l’accès à  n’importe quel contenu, dans sa langue, n’importe où. Un progrès qui élargit considérablement les marchés des médias en transformant tout contenu local en un contenu global. L’éditeur français Systran racheté par Samsung propose déjà un moteur de traduction automatique fondé sur un “réseau neuronal” d’intelligence artificielle, capable de traiter à la fois le sens, la syntaxe, le contexte, les mots-clés, et donc de proposer des traductions bien plus fines que celles produites par les systèmes actuels fondés sur la statistique et le big data.  

L'impact de ces nouvelles plateformes 

Une ancienne employée de Facebook, Frances Haugen, a révélé dans un document intitulé “Facebook Files” que la société n’ignorait rien des troubles psychiques qu’elle provoquait. Cette lanceuse d’alerte a fait parvenir au Wall Street Journal une série de documents compromettants. Haugen explique ainsi que les recherches de Facebook avaient identifié le fait que les contenus qui polarisent, divisent, ou incitent à la haine provoque davantage d'engagements et la firme s’en servait sciemment. Les dirigeants étaient aussi parfaitement au courant des désordres psychiques créés par sa filiale Instagram chez les adolescentes de moins de 13 ans mal à l'aise dans leur corps. Grâce à Frances Haugen, Facebook a momentanément suspendu son projet d’Instagram pour les moins de 13 ans. Une étude expérimentale a d’ailleurs testé l’impact d’un smartphone sur un public qui auparavant n’en disposait pas. En moins de 3 mois, elle a enregistré une dégradation très nette de leur capacité d’attention, leurs tests à des exercices d'arithmétiques se sont dégradés. Leur impulsivité a été augmentée, à proportion presque mécanique du temps passé sur leur smartphone. “A l’image du tabac, le risque d’addiction aux réseaux sociaux n’est plus à prouver”, explique David Chavalarias.

Ce projet Volvo, dénommé Vision 2020, laissait espérer une voiture autonome dès cette année. On est aujourd'hui loin du compte.
Jacques Attali , quant à lui, est très inquiet de l'impact de ces nouvelles technologies. "Les jeunes sont fascinés par les réseaux sociaux, les applications, les jeux vidéo de plus en plus addictifs. Cette génération deviendra des adultes mal informés, préférant la distraction au savoir, le spectacle à la vérité, les convictions à la raison, les voyages hallucinés dans les mondes virtuels à la confrontation au réel, la jouissance narcissique de l’autosurveillance à la découverte émerveillée de l’altruisme. L’important et l'anecdotique, le vrai et le faux se mêleront plus que jamais. Les idéologies plus malfaisantes domineront. Les réseaux sociaux, pour survivre, auront un besoin vital de priver tous les autres médias de tout revenu et les détruiront; journaux, radio, télévision, incapables de maîtriser leurs relations avec leurs clients, disparaîtront l’un après l’autre. Si on veut éviter tout cela, il faudra réorienter radicalement et mondialement le cours des choses, vaincre bien des puissances, et sans se résigner à la défaite, tenter et réussir bien des réformes, à quatre niveaux : le citoyen, le journalisme, les médias, les autorités nationales et internationales."
 

Néanmoins, on voit un nouveau phénomène chez la jeune génération, il y a un rejet du smartphone, ils s’en éloignent, ils font des pauses de déconnexion, ils s’interrogent justement sur le rapport au bruit, ils vont chercher du silence par exemple. Certaines célébrités comme le chanteur Ed Sheeran, ont décidé d'arrêter l'utilisation du smartphone car cela affectait leur santé mentale. Il y a aussi le retour en force des anciens dumbphones (les téléphones stupides) alors que les ventes de smartphone baissent au niveau mondial. Cet engouement pour ces vieux téléphones montrent clairement le besoin de déconnexion et de ne plus être dérangé et dépendant des notifications. Il y a aussi une prise de conscience écologique face à l’obsolescence programmée des nouveaux appareils qui pousse les utilisateurs à changer d’appareil tous les deux ans environ et qui conduit à une véritable catastrophe écologique car la plupart des smartphones ne sont pas recyclés. Pour Benoît Raphaël, “on consomme beaucoup d’informations aujourd’hui sans être capable d’en faire quelque chose, il y a une prise de conscience qui doit intervenir aujourd’hui et on doit apprendre à s’informer comme on a appris à s’alimenter ces 20 dernières années, et c’est l’un des enjeux des prochaines années.”

En conclusion

Lors de mes longues recherches et captivants échanges avec des journalistes passionnés du sujet, je me suis rendue compte que les avis sont partagés concernant la plateforme qui dominera le monde de demain. Certains sont pessimistes et d'autres pensent qu'il y aura une véritable prise de conscience collective pour une utilisation plus saine et éthique des plateformes actuelles et futures... J'aimerais conclure cet article par une phrase de Guillaume Klossa : “Ma conviction c’est que les médias qui l’emporteront seront ceux qui auront su préserver leur valeur ajoutée en termes de talents et d’individus. C’est d’ailleurs le cœur de la stratégie d'une entreprise comme Netflix qui a mis le développement des talents humains dans tous les domaines au centre de sa politique de ressources humaines."

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